Last updated on juillet 24th, 2018 at 03:39
Le hashtag #jesuischarlie a envahi la planète à vitesse record. Des peuples se lèvent et défilent ensemble sous ce signe de ralliement, mais on est dès lors en droit de se demander : au fond c’est quoi être un Charlie ?
Qu’auraient dit Charb, Cabu et les autres ?
Mon premier ressenti vous semblera peut-être étrange ou étonnant mais il est ce qu’il est, et le fait de l’assumer souligne également ma liberté : suis-je réellement un Charlie, dois-je relayer ce slogan, ce visuel sombre dominé par des lettres capitales blanches ? Mon action serait-elle sincère ou au contraire hypocrite, n’étant pas un spécialiste de l’hebdomadaire Charlie Hebdo, ne l’ayant lu que deux fois dans ma jeune vie ?
Quelles auraient été les réactions d’artistes comme Charb, Wolinski et les autres en voyant le titre de leur journal placardé sur le Corcovado à Rio, ou en plein Times Square à New York ? L’antimilitariste qu’était Cabu aurait-il été fier d’être affiché au cœur d’un pays qualifié de « gendarme du monde » ?
Sans doute se seraient-ils foutus de nous comme ils savaient si bien le faire…
Oui mais voilà, ce slogan n’est pas seulement l’expression d’une fidélité à une rédaction satirique et décomplexée ; c’est aussi le message rassembleur du « vivre ensemble » ; de la capacité d’une population à se retrouver autour d’un symbole clair, net et précis. En l’occurrence porté par trois mots qui résonnent aux oreilles de tous : JE SUIS CHARLIE.
Une mobilisation hors du commun
Je n’avais jamais eu la chance de connaître, de voir de mes propres yeux, un élan aussi fort ; une envie affirmée d’entreprendre communément et surtout dans la même direction. Je suis un môme des années 2000, j’ai grandi avec le 11 septembre, la crise économique et budgétaire, le réchauffement climatique toujours plus menaçant. Autant de sujets clivants s’il en est.
Imaginez la satisfaction, pour moi jeune gamin de 1996, de voir une foule qui, enfin et si spontanément, ne se marche plus sur les pieds mais décide d’avancer d’un même pas. L’émotion est là, mais cette émotion est-elle la bonne ? Protégeons-la, soignons-la, utilisons-la à bon escient. L’attaque de nos libertés à travers une fusillade au siège d’un journal, comme une double prise d’otages, me semble être une raison plus que valable -voire prioritaire- pour se battre avec pour seule arme, cette même émotion !
Mais là encore, nous sommes en droit de nous questionner. Témoignons- nous de la meilleure façon l’émotion que nous ressentons ?
Un déferlement médiatique anxiogène
Depuis mercredi 11h30, les chaines d’information en continu que sont BFM TV, iTélé ou encore LCI n’ont pas « lâché la grappe » de Charlie Hebdo… Certes, ces fusillades et prises d’otage sont des évènements considérables, mais ne sont-ils pas traités de façon anxiogène ? A coup « d’éditions spéciales », tout ça pour apprendre la même chose qu’un quart d’heure auparavant. Les chaines d’info cultivent la tripe et non le cœur, ou plus exactement l’émotion de la tripe et non du cœur. Et la réalité est là, l’émotion dont je parle plus haut dans cet article, notre arme face à la violence n’est pas celle des « tripes », elle est celle murement réfléchie et assumée du « cœur ». Le cœur c’est l’intelligence, le maître de service du corps humain et par conséquent de nos pensées. C’est donc évidemment de lui que viennent nos émotions les plus authentiques, celles dont on veut témoigner, notamment en public, celles qui nous rassemblent dans ce « vivre ensemble » si significatif.
Cependant l’investissement, outre les multiples éditions spéciales sur fond de « catastrophe terroriste », de toutes les autres chaînes est remarquable. Ce bandeau noir sur chaque logo est une nouvelle fois un signe de notre communion discrète mais sincère. Quant aux Unes de presse, elles sont spectaculaires comme à chaque fois qu’un évènement de cette ampleur intervient dans notre quotidien. Outre celle du Monde qui va jusqu’à titré « Le 11 septembre français » ou encore du Figaro qui voit « la liberté assassinée », celle de Libération, comme souvent, tire sont épingle du jeu : « Nous sommes tous Charlie » résonne comme un cri de ralliement citoyen sans précédent.
Les médias traditionnels ont donc bien joué leur rôle de rassembleur et d’informateur public. Mais il ne faut pas oublier l’importance capitale des nouveaux médias, des agitateurs. Ce sont eux les plus influents et les plus accessibles aujourd’hui : les réseaux sociaux avec Twitter en chef de file. C’est la déjà fameuse « twittosphère » qui relaie en grande partie les initiatives citoyennes et républicaines anti-barbarie.
Si les attentats persistent, la capacité d’un peuple à y répondre ne fait qu’évoluer avec le temps. N’est ce pas la meilleure façon de riposter que de se rassembler ?